22/04/2012

Histoire d'eaux

Film évoqué dans ce message:
La double vie de Véronique (Podwójne życie Weroniki)
de Krzysztof Kieslowski (Prix d'interprétation pour Irène Jacob Cannes 1991)



J'évoque dans ce message les séquences qui portent les numéros 3 et 4 dans le scénario de Krzysztof Kieslowski. 
Nous sommes à Szczawnica, une petite ville thermale du sud de la Pologne, au tout début du plan de travail quand nous tournons la scène sous le kiosque. Il fait froid, et contrairement à ce qui est écrit, la pluie que nous allons recevoir sur la tête n'a rien d'une pluie d'été.
Cette séquence 3 du scénario racontait plus de choses. Dans le montage final, elle est faite d'un seul plan séquence: un gros plan sur Irène Jacob.
Magistral et superbe.
Une précision à propos du texte extrait du scénario que je reporte ci-dessous:
Dans le scénario de la double vie de Véronique, le professeur de musique de WERONIKA s'appelle la VIEILLE FEMME BARIOLÉE. Elle est interprétée par Kalina Jedrusik. C'est elle que nous retrouvons une première fois dirigeant son choeur à Cracovie, puis au piano en train d'auditionner WERONIKA pendant que LE CHEF D'ORCHESTRE, interprété par Aleksander Bardini, écoute dans la pièce à côté.

3 - PARC THERMAL. EXT. JOUR.
L'eau coule constamment dans des pots, des verres, des gobelets de formes diverses. Elle jaillit par maintes ouvertures d'une source placée au centre de la maison thermale, pour pétiller ensuite dans de petits récipients de curistes. Ils la sirotent à l'aide de canules de verre multiformes.

Nous entendons un choeur chantant de la musique classique sur l'estrade d'un kiosque à musique qui n'a pas été repeint depuis longtemps - un choeur féminin. Une vingtaine ou peut-être une trentaine de filles et de femmes - de seize à vingt-cinq ans, agrémente la vie des curistes. Ceux-ci flirtent ou se taisent, certains approchent de l'estrade par les allées du parc et écoutent. Le choeur est tout à fait professionnel - Il chante bien. Parmi les filles, au dernier rang WERONIKA dont la voix belle, pure et forte domine nettement les autres. Les choristes sont en tuniques blanches de différents modèles et en jupes foncées de diverses longueurs.

Une des curistes VIEILLE DAME BARIOLÉE - fixe WERONIKA. Elle oublie un instant son tuyau de verre et avance d'un pas. Parmi les spectateurs, WERONIKA voit un GARCON au bras emplâtré. Leurs regards se rencontrent, peut-être une ombre de sourire.
Une légère panique est provoquée par les premières gouttes d'une pluie d'été. Les curistes s'abritent loin du kiosque, sous le toit de la maison thermale.  Le GARCON se sauve en protégeant son plâtre. le choeur continue de chanter. Maintenant, il pleut à verse. Les filles ont les cheveux mouillés, leur maquillage se met à dégouliner. Malgré la pluie, la voix de WERONIKA devient plus intense, plus claire; chaque note lui fait visiblement un grand plaisir. LA VIEILLE FEMME BARIOLÉE, abritée sous le toit de la maison thermale, la regarde.

Le choeur termine en appuyant longuement la dernière note. Le souffle de WERONIKA lui permet de poursuivre encore sa partie pendant quelques secondes après que ses collègues aient terminé.

J'ai deux photos du choeur sous le kiosque. Le Polaroïd 1 est pris trop tôt. On voit Irène Jacob (Weronika) sur la droite, et l'on remarque la présence d'une jeune fille rousse derrière elle. La couleur de la chevelure est trop présente pour le plan rapproché sur Weronika. La jeune fille est donc changée de place en prévision de ce plan. On la retrouve à gauche au fond sur le Polaroïd 2.

Polaroïd 1. Irène Jacob (Weronika) est à droite. la jeune fille rousse derrière elle.

Polaroïd 2; Irène Jacob (Weronika) est toujours à droite. La jeune fille rousse se retouve à gauche.

Je fais une série de Polaroïds sur l'ambiance générale du lieu de cure, la maison thermale et les curistes qui sont autour. L'ensemble faisant face au kiosque où le choeur de Weronika est en train de se produire.


Dans le film, on ne voit pas l'espace représenté par ce montage, puisque les curistes disparaissent complètement du film dans le montage final. Kalina Jedrusik (La femme bariolée) est dans le plan rapproché que je fais sur la maison thermale (visible au fond, Polaroïd de gauche sur le montage). Sur le Polaroïd (3), la comédienne est dans son grand manteau à carreaux noir et vert.

Polaroïd 3: Kalina Jedrusik ( La femme bariolée) parmi les curistes.

Dans le scénario, la femme bariolée est en cure et remarque Weronika. Dans le film, il ne reste rien de cette partie de la séquence, et l'on voit cette femme pour la première fois au moment où elle fait répéter son propre choeur à Cracovie. Lorsqu'elle entendra (pour la première fois donc) la voix de Weronika se mêler au choeur, elle souhaitera l'auditionner.
Dans le paysage, nul garçon au bras plâtré pour un échange de regard avec Weronika et ce, dès le tournage. C'était la silhouette qui faisait écho au jeune garçon de Clermont-Ferrand, celui qui fait une tâche lumineuse avec son miroir et réveille Véronique. Kieslowski gardera pourtant l'idée du plâtre sur le jeune Français. On le remarque lorsqu'il sort son bras quelques secondes avant de refermer la fenêtre.
Une chose encore.
En fin de journée de tournage du parc thermal, en pliant mon appareil Polaroïd pour le mettre dans mon sac, j'appuie par inadvertance sur le déclencheur. Curieusement, le cadre de la photo Polaroïd n'est pas mal du tout. On aperçoit ce qui doit être la façade d'une église orthodoxe en bois dans l'environnement très vert caractéristique de cette région thermale. Le camion citerne rouge des pompiers, vidé de son eau à ce moment-là, est garé devant.


La fameuse pluie d'été est passée.


La séquence 4 est tournée la veille dans les rues de Stary Sacz, une petite ville d'eaux. Je fais un Polaroïd de Weronika et ses trois amies. Dans le film, elles courent dans les flaques sous l'averse, et s'écartent pour laisser passer un camion transportant la statue de Lénine.
Cette photo est un très joli souvenir. Le petit groupe est adorable et pose gaiement devant mon objectif.

Polaroïd 4: Irène Jacob (Weronika) et ses trois amies

J'ai trouvé sur internet une photo du lieu où j'ai pris cette photo.
Le bas des murs est toujours peint en brun.









Petit clin d'oeil. Une photo d'une statue de Lénine rapportée de Russie. Photo prise avec mon Iphone. Programme Hipstamatic.